Sauvage et sensuel, l’imprimé léopard n’a pas toujours été aussi populaire qu’aujourd’hui. Fleurostar revient sur les origines de ce motif au fort pouvoir évocateur, de la savane au prêt à porter.
Aujourd’hui symbole de féminité assumée dans l’imaginaire collectif, cela n’a pas toujours été le cas du motif léopard. Si on parle d’imprimé panthère ou léopard, il est évident qu’il s’agit d’abord et avant tout d’une fourrure. Longtemps associées à la virilité, les peaux d’animaux ont été, jusqu’au vingtième siècle, un attribut masculin de domination.
Dès la préhistoire, les êtres humains ont revêtu des peaux d’animaux pour se tenir chaud bien sûr, mais aussi s’approprier la force symbolique de ces prédateurs au sommet de la chaîne alimentaire. En portant la fourrure d’un léopard ou autre animal sauvage, le chasseur revêt symboliquement sa puissance masculine, ainsi que l’agilité et le courage perçu du félin, prédateur ultime, dangereux même pour l’homme. Aux XIXème et XXème siècles, au temps des conquêtes territoriales des empires et de la colonisation, le voyage, pour les plus riches, est facilité et les expositions coloniales et safaris explosent. De nouveaux horizons imaginaires font leur apparition en Occident, et l’exotisme devient une nouvelle tendance. Les félins représentent le trophée de chasse ultime pour les puissants. Sur le mur ou en tapis, mais aussi portés en habits, on raffole des animaux sauvages et de leur fourrure.
Peu à peu, le vestiaire féminin s’approprie cette incarnation de domination et de pouvoir. À partir des années 1920, la femme fatale, cliché des films noirs hollywoodiens d’une séductrice mystérieuse, indépendante et indomptable, se pare de pièces en fourrure de panthère ou léopard.
En 1947, Christian Dior présente sa première collection de haute couture, et subjugue son audience avec les retombées que l’on connait. Dans cette collection New Look sont présentés le célèbre tailleur Bar, mais aussi la robe “Jungle”. Associant une silhouette ultra féminine, à la taille marquée et jupe volumineuse, et ce motif léopard, il réalise une véritable déclaration, propulse le léopard en tant que motif plutôt que fourrure, et le fait entrer durablement dans le vestiaire féminin. Désormais symbole chic pour son originalité et son coût, l’imprimé léopard devient instantanément un classique.
Dans les décennies suivantes, on voit l’imprimé léopard s’installer dans les collections et la culture populaire, de manière plus ou moins sophistiquée. Plus seulement cantonné aux élégantes, son image, jamais innocente, glisse plus explicitement vers l’idée d’une sexualité prédatrice, amazone. Les Pin-up, telles Jane Mansfield ou Bettie Page lui donnent une image sulfureuse voire scandaleuse, en posant en petite tenue de fourrure tigre ou léopard. Tout naturellement, les personnages de « méchantes » au cinéma ou de femmes aux mœurs condamnables (car seules, indépendantes et ou séductrices) sont souvent vêtues de l’imprimé animalier, léopard ou autre. Évidemment, c’est le fait d’adopter un comportement considéré comme masculin, pour une femme, qui est vu comme rédhibitoire et disqualifiant. L’imprimé léopard est le code marqueur d’une liberté sexuelle chez celle qui le porte, perçue comme menaçant les hommes et l’ordre établi. Liz Taylor, Jackie Kennedy et tous les grands créateurs le plébiscitent néanmoins. C’est aussi, comme beaucoup de phénomènes de mode, sa descente dans la rue et son adoubement par les masses, grâce à la popularisation du prêt à porter et de la fausse fourrure, jusqu’à son adoption par les prostituées, qui lui confèrent sa réputation vulgaire et de mauvais goût.
Dans les années 1970, la révolution sexuelle étant passée par là, la mode se fait plus androgyne. Le motif léopard est de nouveau porté par certains hommes. Les musiciens Glam Rock, provocation oblige, s’approprient cette image alors féminine. Emblème toujours bourgeois, il est détourné par les punks et revêt différentes couleurs, et se pare à cette période d’une nouvelle dimension subversive liée aux rebelles du rock’n’roll.
Toujours associé à l’excès, le motif textile léopard est un élément central de la décoration de style maximaliste. Les textiles imprimés peaux d’animaux présentent un caractère chaleureux, au glamour désuet et parfois kitsch. L’aspect scandaleux de la fourrure, mais aussi des trophées de chasse, tapis en tête de tigre et autres défenses d’éléphant utilisées comme objets de décoration déteint sur le simple motif animalier et son utilisation dans la décoration intérieure.
Paradoxalement, porter l’imprimé animalier, camouflage naturel s’il en est, c’est se faire remarquer. Encore associé à la féminité conquérante, il n’est, on l’a vu, fait ni pour les ingénues, ni pour les garçons manqués. Devenu presque un lieu commun des séries mode et défilés, l’imprimé léopard, mais aussi zèbre, python ou tigre, se renouvelle à chaque saison ou presque, change de caractéristiques graphiques, arrivant sous de nouvelles formes, tailles, couleurs … et convoque donc des références différentes, parfois Punk, glamour, féminin classique.
Qu’on le veuille ou non, l’imprimé léopard, bien que souvent de couleur neutre, est osé et ne passe pas inaperçu. C’est pourquoi il vaut parfois mieux s’en tenir à de petites touches que de porter le motif panthère en total look pour éviter le fashion faux pas (hantise des fashionistas et menace ultime agitée par la presse féminine). Décliné en classique manteau, mais aussi sac, chaussures, jupe, l’imprimé félin réchauffe n’importe quelle tenue, sied à toutes les couleurs de peaux dans ses tons classiques camel et noir, et se marie à merveille avec le blue-jean ou le blouson en cuir.
Fascinant et jamais anodin, l’imprimé léopard ne laisse personne indifférent. Oscillant entre luxueux et populaire, sophistiqué et rebelle, il prend différentes formes et s’adapte au support. Toujours audacieux, subversif et irrésistible, sa puissance d’évocation reste intacte, et est même enrichie par les créateurs, célébrités et les images qui au fil des années l’ont porté, renouvelé et modernisé.
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